vendredi 25 février 2011

Pour le plaisir...

Anish Kapoor, Untitled, 1990, gouache et terre sur papier, Tate

Intensité, puissance de cet d'œil iridescent sur nous. Magnifiques matières et profondeur des couleurs. J'ai adoré.

De la versatilité de l'aquarelle : Watercolour at the Tate Britain.

A peine le pied posé à Londres, je vais voir la nouvelle expo de la Tate Britain sur l'aquarelle.

Une des premières à entrer, j'ai bien pu profiter de cette belle et très sérieuse expo.
C'est une exposition thématique, et qui retrace les différentes utilisations de cette technique de ses débuts à nos jours.

On utilise l'aquarelle pour dessiner des cartes, des vues topographiques. Mais aussi pour des représentations scientifiques de plantes, domaine dans lequel Parkinson excelle.

Sydney Parkinson

Je ne suis pas particulièrement attirée par ce genre d'aquarelles incroyablement précises, mais je dois dire que certaines sont magnifiques. On a presque l'impression qu'on sentira la texture de la plante si on touche la feuille... Si ça n'est pas de la maîtrise !
D'autres sections très intéressantes montrent l'utilisation de l'aquarelle pour représenter la guerre, mais aussi pour être un support de la mise en image des rêves et fantasmes de artistes.

Les deux autres éléments que je retiendrai de cette exposition, ce sont d'abord les paysages de Turner, (je vous livre l'entièreté de celui qui fait l'affiche), mais aussi de Boyce, Lewis quand il représente les rues du Caire, Hunt et Millais.

George Pryce Boyce, Streatley Mill, 1859

"Wateriness and transparency", pas besoin de traduire, on comprend bien ici les deux principales qualités de l'aquarelle, dont ces artistes ont su user avec une délicatesse et une sensibilité qui m'ont touchée. (Tout cela est mieux visible en vrai, quand les photos n'aplatissent pas les motifs).

J.M.W Turner, The Blue Rigi, Sunrise, 1842, Tate Britain

La wateriness des aquarelles de Turner est quasiment transcendante, on a l'impression d'avoir la brume dans les yeux, et non sur la feuille... Parfaite transparence.

Le second intérêt de cette expo : les œuvres contemporaines. Anish Kapoor, Lucia Nogueira, Howard Hodgkin, Callum Innes, tous ces artistes ont su eux aussi faire passer des sensations, des vibrations grâce à quelques touches d'aquarelle...
J'ai d'ailleurs vu en Callum Innes un "Rothlo à la Turner".

Howard hodgkin, A Storm, 1977, Tate.

Seule la Tate, ou plus largement les musées anglais, savent si bien relier l'ancien au nouveau, le vieux au contemporain, ou plutôt, seuls les musées français ne savent pas le faire...
Il est important de trouver des thèmes d'exposition qui transcendent les époques et les modes, et c'est un pari réussi par la Tate : la puissance d'évocation et le plaisir provoqué par les aquarelles sont les mêmes au XVIIe et au XXIe siècle !
J'ai été aussi émerveillée par Turner que par Kapoor...
A voir !

Leighton House : à voir !

Frederic Leighton est un de ces bons peintres, très connus de leur temps et personnalités du monde de l'art, mais dont la célébrité n'a jamais vraiment dépassé les frontières de leur pays, dans son cas, la Manche.

Il est de la génération des préraphaélites, et a fini président de la Royal Academy of Arts. Une sacrée pointure, donc.
Il voyagea, reçut d'innombrables commandes, fréquenta la crème de la crème de tous les types de sociétés, et se fait construire une maison vers Holland Park.

Si vous êtes de passage à Londres, à ne pas rater !!

C'est une maison de taille raisonnable, toute de brique construite, cela ne vous étonnera pas, avec un grand jardin derrière, et il l'utilisa pour exposer tout ce qu'il ramenait de ses voyages, et principalement de ses voyages en Orient.
Le Hall de Narcisse, qui porte le nom de la statue qui trône en son milieu, a ses murs recouverts de carreaux de céramiques d'un turquoise profond faits par un ami, et son plafond doré pour évoquer le fait que Narcisse est mort en regarder son reflet.
L'impression est saisissante !


Le hall arabe n'est que plus incroyable !

La plupart des carreaux et mosaïques viennent de Damas, et les moucharabiehs du Caire. Une fontaine coule au milieu, et si on oublie ce qu'il y a autour, on se croit vraiment dans une salle fraîche d'un palais de Damas, où le doux son de l'eau repose et rend sensible à la douceur de vivre...

Dans le salon, on trouve des copies des paysages de Corot qui s'y trouvaient, dans le bureau, des dessins des plus grands peintres italiens de la Renaissance, dans l'escalier, des céramiques d'Iznik, de même que dans la magnifique salle à manger toute rouge. Quant au studio, il doit être le rêve de tout artiste... immense, lumineux, paisible...

L'escalier, photo ancienne

Dans le salon de soie, on trouve du Delacroix et du Millais, et plusieurs toiles de Leighton, qui peignait avec une belle intensité.

Le plaisir de marcher dans des lieux qui à une époque furent bouillonnants d'idées, de création, d'inspiration, qui ont vus des artistes incroyables comme Rossetti, Hunt et Millais, et beaucoup d'autres, tout ce la est un vrai bonheur. Sont encore présentes les vibrations, le beau.
Les maisons d'artistes sont souvent des lieux où l'on peut presque toucher du doigt la création, et pour les amateurs, c'est inestimable !

http://www.rbkc.gov.uk/subsites/museums/leightonhousemuseum.aspx

mardi 22 février 2011

Soooo British !

J'ai eu le plaisir toujours renouvelé de passer 4 jours dans la capitale anglaise.

Dieu que j'aime cette ville !!
Je vis dangereusement quand j'y suis, parce que je ne peux pas m'empêcher d'avoir en permanence le nez en l'air, fascinée que je suis pas l'architecture. La brique et la pierre se mêlent pour former des ensembles complètement étranges ou magnifiques, inattendus, et souvent indescriptibles pour les non-spécialistes de l'architecture victorienne.
Je vais sans doute écrire quelques articles sur mes dernières découvertes, mais avant ça, un résumé...

Se balader le nez en l'air, manger ds cupcakes, être amusée par le bazar complet qui règne à Camden, découvrir des endroits magnifiques, comme Burlington Arcade (en photo au dessus), fouiller dans les boutiques improbables ou bobos de Carnaby Street, boire du thé à toute heure de la journée, manger de la cuisine de tous les pays du monde sauf l'Angleterre, visiter des palais ou des maisons d'artistes et en tirer un incroyable plaisir, s'installer dans un pub à 5h de l'après-midi, y boire de la bière à la pinte et y jouer au scrabble en anglais, voir ses amis les plus proches...
En quelques lignes, voilà la recette très précise d'un we réussi et probablement inoubliable.

A votre tour !

dimanche 13 février 2011

Brêve : la perfection des premières photos !

Daguerréotype, calotype, ambrotype, papier albuminé, collodion, négatif, positif, gomme bichromatée... Tous ces termes sont utilisés pour les débuts de la photographie, au XIXe siècle.
Longtemps, ils m'ont rendue peu réceptive à cet art, dont la technique est si compliquée à comprendre pour moi...

Mais récemment j'ai vu l'exposition de la Bnf, sur Les Primitifs de la photographie, le calotype en France, 1843-1860.
Et j'ai été frappée par la beauté incroyable de certains des ces calotypes.

Rappel historique et technique : dans les années 1830 est inventé en France un procédé de reproduction du réel sur plaque de cuivre. On doit cette invention à Louis Daguerre et Nicéphore Nièpce. C'est appelé le daguerréotype.
Mais en 1841, l'anglais William Fox Talbot invente un procédé sur papier, en positif et négatif, qui permet la reproduction d'une même image plusieurs fois. Le système connait un grand succès et fait vite des émules en France. C'est sur cette technique que portait l'exposition.

La précision, le cadrage, le travail sur les ombres et la lumière, les flous, le velouté, le grain et les couleurs variables qui vont du noir au blanc en passant par un marron profond, tout cela donne à ces œuvres qui ont 160 ans une beauté indicible.

Charles Nègre, Ramoneurs en marche, vers 1851, épreuve sur papier salé

Gustave Le Gray, Arbre et roches, 1849-50, épreuve sur papier salé.

Les exemples que je mets là ne permettent pas de se rendre compte de la beauté dont je parle. Il réside dans les images que j'ai vues une beauté mystérieuse, un doute sur leur nature qui les rend fascinantes.

La photo connait en ce moment un succès très important, qu'elle soit ancienne ou moderne. Mais en regardant des calotypes, des photographies des années 1860 par Le Gray ou encore des photos des pictorialistes au début du XXe siècle, je ne peux m'empêcher de penser qu'ils maîtrisaient déjà magnifiquement ce 8e art, et que rien depuis ne les a surpassé...

mardi 1 février 2011

Etre enthousiasmée par une muséographie !

Vendredi dernier, je suis allée à Versailles.


Après avoir eu la chance de voir la Galerie des batailles, le chef d'œuvre né de la volonté de Louis Philippe de rassembler les français autour de leur histoire commune, je suis allée faire un tour à l'expo Les sciences à la cour de Versailles.

Le thème de l'expo n'est pas en soi susceptible d'exciter particulièrement ma curiosité de littéraire ignorante des tables de multiplication.
Mais je dois dire que j'ai été très très impressionnée par cette expo, et principalement sa muséographie. C'était tout simplement génial !

On entre d'abord par une grande salle ovale où une image de tout Versailles est projetée sur les murs, et montre les différents endroits concernés par les sciences dans le château. Interactif et intelligent, car cela permet de situer géographiquement les choses.

Ensuite, les salles sont divisées en 6 sections : Sciences et pouvoir, application des sciences, expérimentation, enseignement, pratiques princières et enfin démonstrations.
Les œuvres présentées sont très diverses : paysages, portraits de personnalités, objets scientifiques, plans, écrits, objets d'art, reconstitutions... Cela grée un ensemble non monotone et didactique.
Les salles sont toutes différentes et magnifiques. L'une reconstitue une serre, l'autre une bibliothèque. Le mobilier est adéquat, la circulation relativement aisée, les couleurs variées et agréables, les cartels aux bons endroits...

Rendre agréable et vivant, didactique et enrichissant un thème qui pourrait vite devenir scolaire est un beau défi, relevé avec brio ici. Quant à mon désespoir sur la muséographie en France, il a été fortement atténué par cette très belle réussite !
By the way, l'exposition a été prolongée jusqu'au 3 avril, si vous savez lire entre les lignes...


http://sciences.chateauversailles.fr/index.php?lang=fr

Quand Disney corrompt les contes.


VS

Il y a quelques jours, j'ai eu la chance de voir et d'entendre La Petite sirène à la Salle Pleyel : Irène Jacob lisait le conte d'Andersen, et l'orchestre philharmonique de radio France jouait l'œuvre de Zemlinsky, datée de 1902 et inspirée du conte.

J'avais déjà lu le conte d'Andersen, mais j'avais oublié l'histoire. Et en sortant, j'étais révoltée contre l'horrible version faite par Disney.
Walt Disney, ou comment transformer un conte à valeur morale en un ridicule conte de fées.

Chez Andersen, la petit sirène souffre horriblement une fois qu'elle est transformée en femme par la sorcière. Non seulement elle ressent chaque pas comme une piqure d'aiguille ou une coupure profonde dans sa chaire, mais en plus, la sorcière lui a ... coupé la langue. Non, elle ne lui a pas seulement pris sa voix comme par magie, elle lui a coupé la langue.
Voilà ce qu'il en coûte de vouloir être autre chose que ce que l'on est.
Et dans la version de Disney, tout est bien qui finit bien : la petite sirène renie sa nature profonde, sa famille et son monde pour le prince. Chez Andersen, c'est bien plus compliqué que ça, et tout n'est pas bien qui finit bien, car la petite sirène meurt par amour...
En effet, ses sœurs ont fait un deal avec la sorcière : elle pourra redevenir une sirène si elle tue le prince d'un coup de couteau dans le cœur.
Ici se situe la limite entre le conteur et la firme américaine de dessins animés : le simplisme.
Tout n'est pas noir et blanc, tout a un prix, et le conte est par nature une belle façon, imaginative et sensible, d'apprendre cela sur la vie.
Mais Disney, Walt de son prénom, a corrompu la nature des contes, l'a vendue un happy end.
Mais quelle est la morale ?
A croire qu'une morale à la fois profonde et accessible était trop complexe pour le public américain de la fin des années 1980.
Mais la leçon de l'histoire doit exister. Oui, la violence, la souffrance, l'amour non retourné, la cruauté, la mort, tout cela existe. Et pas que cela : l'amour, l'envie, la découverte, l'aventure, l'amitié. Tout cela est présent dans les contes. Et ce que l'on ressent en les lisant, c'est la peur, l'envie, la pitié, l'amour. En lisant un conte, c'est à dire une histoire tout sauf réelle, on apprend ce qu'est le réel, la vie. Fonction et force paradoxale du conte !

Chez Disney, la morale disparait au profit d'un conte de fées qui a déformé la vision du monde de millions de petites filles (et sans doute aussi de petits garçons) : on finit toujours par trouver son prince, et tout finit bien pour tout le monde. C'est là une dénaturation complète du conte, et les contes de fées sont on ne peut plus éloignés de la vraie vie.

Je prône donc un retour vers les vrais contes, ceux qui racontent des histoires où de véritables sentiments sont déroulés pour nous.
En sortant du concert, qui était réservé aux enfants, j'ai remarqué qu'ils étaient perplexes, qu'ils pleuraient pour la mort de l'héroïne, et qu'ils posaient des questions. Bien sûr, il n'est pas question de vouloir qu'ils pleurent, mais admettons qu'ils aient un jour à faire face à la mort... Au moins ils sauront qu'elle existe, et que tout le monde ne vit pas "heureux et avec beaucoup d'enfants".
Un peu de Vrai que diable !