mercredi 13 octobre 2010

Où il est question du patrimoine en Chine


La chance, et un oncle et une tante chouettes m'ont fait voyager dans la contrée lointaine qu'est le pays du Soleil Levant, pour la première fois. Suite d'émerveillements et de découvertes.

Durant les deux dernières années, beaucoup de questions se sont posées à moi en rapport avec le patrimoine, la culture, la sacralisation de l'art. Pourquoi garder l'ancien ? Pourquoi conserver ça et non autre chose ? Jusqu'où doit-on conserver ? A quel prix ? A tout prix ?

En Chine, il m'a bien semblé que les choses étaient assez différentes. Bien sûr, il y a des musées, et là on sent bien l'importance de la conservation de chefs-d'œuvre du passé glorieux de l'Empire.
Mais pour les lieux de culte, il en va tout à fait autrement.

Quelle que soit l'ancienneté d'un temple, qu'il se situe sur un ancien site impérial ou sur une montagne sacrée, en plein centre d'Hong-Kong ou à la campagne, la fonction usuelle prime sur la conservation de ce qui est vieux. Le vieux n'a pas de valeur en soi : ce qui compte, c'est qu'il soit beau aujourd'hui, que les couleurs et les représentations qui recouvrent chaque centimètre soient vives et plaisent à l'œil du fidèle, lui parlent. On repeint donc par dessus les peintures anciennes, ce qui en France mériterait bien plusieurs pétitions et même une lettre à Mr Mitterand...

Comment expliquer une telle différence ?
On pourrait, d'une façon tout à fait ethnocentrique, se dire que la Chine n'en est pas à notre niveau dans l'avancée de sa réflexion sur le patrimoine, et que dans quelques années ou décennies, elle regrettera son manque d'attention à l'ancien sacrosaint en Europe.

Mais la raison peut se trouver tout à fait ailleurs.
Un lieu peut n'être considéré comme vivant, comme "valable", que s'il a toujours une place dans la vie des gens, un sens dans leurs croyances et une utilité quotidienne. La valeur usuelle dépasse donc la valeur artistique ou patrimoniale.
N'est-ce plus le cas en Europe car la place de la religion est en régression constante ?
La question se pose. Mais la volonté de conservation des lieux saints "dans leur jus" est très présente en France, en Allemagne et en Angleterre notamment depuis au moins le début du XIXe siècle, voire avant.

Peut-on en déduire quelque chose quant à la place de l'art dans la société chinoise et les sociétés européennes ? Rien n'est moins sûr.
Accepter l'évolution du patrimoine dans le présent est quelque chose que l'Europe ne sait plus très bien faire, à force de vouloir tout protéger. Mais un patrimoine, quelle que soit sa nature, ne peut pas rester figé, il doit vivre, être dans son temps.
Peut-être est-ce cette volonté que l'on voit dans l'exposition de Murakami dans les salons d'or et de pourpre de Versailles, ou dans les colonnes de Buren au Palais-Royal.

Les différences culturelles entre la Chine et la France sont si profondes qu'il n'est pas question ici de dire qui a raison ou tort, ou qui devrait apprendre de l'autre.

Mais il n'en reste pas moins que le patrimoine d'une époque, s'il est préservé, est aussi le patrimoine d'autres époques, et qu'en tant que tel, il doit s'y adapter... Question à approfondir !

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