mardi 24 février 2009

Catharsis bollywoodienne : non au snobisme !

Parler de Bollywood à un amateur de cinéma, c'est comme parler de Viollet-le-Duc à un puriste du Moyen-Age : des cris, des injures, et surtout un mépris profond.
Ce post a pour but lui aussi de crier - sans doute moins d'injurier - et de mépriser les snobs, ceux qui se refusent du plaisir pur et direct sous prétexte d'intellectualisme.
Bollywood est un cinéma d'une importance sociétale, économique et culturelle fondamentale pour un pays qui prend tous les jours une place plus grande dans le monde, l'Inde.
Un Bollywood en Inde, c'est toute la famille qui s'y retrouve, on amène ses coussins, son diner, sa boisson. Oui, tout ça, car un Bollywood dure au moins 3h... Et pour avoir vu un Bollywood dans une salle où se trouvaient des Indiens, j'ai pu entrevoir le phénomène qui se déroule durant le film. A chaque chanson, chorégraphie, tout le monde se lève, tape dans ses mains, reproduit la chorégraphies au bout de quelques minutes, et chante. Une authenticité du plaisir et un sincérité des sentiments absolument impossibles à trouver dans une salle de cinéma française. Oui, on rit, parfois on verse une larme, mais ca ne va que rarement plus loin. Le cinéma est passé d'un moment d'émotion pure à un moment comme un autre, où la règle veut qu'on soit à distance de ce qu'on voit.
Pourquoi ?? Pourquoi bouder un plaisir immédiat ?? Ne devenons pas tous téléramiesques, c'est à dire intellos et difficiles à contenter...
Dans un Bollywood, quand le héros voit l'héroine pour la première fois, les violons jouent, elle est de dos, puis elle se retourne en faisant bouger ses cheveux comme dans une pub de shampoing, tout est au ralenti... A chaque moment d'émotion, le vent souffle dans les cheveux des personnages. A chaque moment joyeux ou amoureux, le couple danse sur des sommets de montagnes, en chantant son amour...
Chaque Bollywood a une morale, simple, principalement sur les valeurs de la famille et de l'amour. Mais la morale n'est pas le but, comme c'est toujours le cas dans les films européens (le cinéma hollywoodien est beaucoup plus proche du bollywoodien qu'on ne le croit). Je l'ai dit : le plaisir est le but. Celui de la musique, de belles actrices, de beaux acteurs, de jolies chansons, de belles histoires d'amour, des chorégraphies drôles et jolies (pas toujours, mais souvent).
Un Indien vit devant un Bollywood, il réagit, il ressent, il bouge. Bollywood est l'équivalent de ce qu'était pour nous le théâtre il y a encore quelques centaines d'années : un lieu d'expression et de partage. Bien sûr, tous les Bollywoods ne sont pas bons, certains sont ringards, d'autres de seconde zone, d'autres trop longs, d'autres ridicules...
Mais il n'en reste pas moins qu'un Bollywood est une catharsis, un moment pur d'émotions au premier degré. Bollywood, c'est la nouvelle agora : un théâtre de sentiments et de comédie humaine.

Bruges : frites et Renaissance

Week-end à Bruges. Quel dépaysement !
J'étais loin de penser que la découverte de Bruges me ferait tant voyager.
A trois heures de Paris, Bruges est un autre monde, celui du Nord, qui s'ouvre à moi, parisienne et française jusqu'au bout des ongles, pour la première fois.
Tout est différent : les couleurs, l'architecture, les gens, la culture, les plaisirs...
Tout est rose, la brique est partout, qui crée un univers pastel et charmant.
Tout est ancien. Et pas ancien du XIXe siècle, comme c'est le cas à Paris. Mais ancien du XVIe siècle, voire avant... Sur les maisons, des plaques de pierre gravées marquent 1452, ou 1556 !
Tout est en parfaite unité, du centre aux alentours. Mais l'unité a sa diversité bien sûr, car chaque maison est différente de sa voisine, et les toîts en escalier créent un vallonnement, des variations douces à l'oeil du promeneur...
Tout sent la frite et quand Brel chantait "ça sent la bière de Londres à Berlin", j'ai pu changer un peu les paroles : "ça sent la frite, de Bruges à Bruxelles"... Car oui, au delà de tout cliché, Bruges sent la frite, et la gauffre, et si le chocolat ne sent pas, on salive à chaque vitrine de chocolaterie, et elles sont nombreuses...
Tout est petit, vu du beffroi, vu de 88m de hauteur, après 366 marches...
Tout est paisible. Dans certains coins de la ville, on entend seulement les oiseaux et les fers des chevaux sur le pavé, on se sent transporté loin, dans le temps et l'espace. Retour à la Renaissance flamande telle que je me l'imaginais...
Tout est joli, sous le soleil. Tout est suranné, vieux rose, charmant, étonnant, apaisant...
Tout n'a pas perdu de son authenticité, comme à Carcassonne ou ailleurs. Tout est vrai, tout est là. Il semble vraiment que le temps s'est arrêté au XVIIe pour ne plus avancer, et que rien n'a changé. Tout est immobile à Bruges...
Une jolie parenthèse, une balade salutaire dans le temps !

jeudi 5 février 2009

Depuis le premier rang... (de la Salle Pleyel)

Depuis le premier rang, hier soir, j'ai d'abord entendu le Cantus in memory of Benjamin Britten d'Arvo Pärt, daté de 1977.
Depuis le premier rang, je me suis laissée enrouler, envelopper, envoûter par les vagues sonores de Pärt, par la montée en puissance progressive de l'orchestre, par l'explosion du son, ses envolées, je suis entrée dans la musique, j'étais au coeur de l'orchestre...
Depuis le premier rang, j'ai découvert la Sinfonia de Requiem de Britten, de 1940, j'ai bien senti l'angoisse sourde du début, j'ai entendu le tragique du Lacrymosa, puis j'ai ressenti la colère de Dieu dans le Dies Irae, dans la cavalcade des instruments, et je me suis laissée surprendre par les douces mélodies du Requiem final...
Depuis le premier rang, j'ai écouté la Messe en ut mineur de Mozart.
Depuis le premier rang, j'ai vu la soprano devenir toute rouge quand elle a lancé son contre ut, j'ai vu le ténor chantonner les mélodies du choeur, j'ai vu le basse soupirer d'ennui quand il ne chantait pas, j'ai vu la seconde soprano lancer des regards d'envie à la première, j'ai vu une altiste rigoler en plein morceau quand son voisin de pupitre s'est planté dans le rythme, j'ai vu que les violonistes ont un métier très physique, mais j'ai vu aussi le chef d'orchestre Paavo Järvi parler à son orchestre avec ses mains, j'ai eu des vibrations dans le ventre quand la soprano chantait, j'ai frissonné quand le choeur a atteint toute sa puissance...
Depuis le premier rang, je suis rentrée dans la vie de l'orchestre, dans sa complexité, dans ses difficultés, dans ses complicités, dans sa dynamique. Depuis le premier rang, j'ai appris plein de choses, j'ai donné une réalité physique à la musique que j'aime tant entendre. Depuis le premier rang, j'ai brisé un peu du rêve, du mythe, mais je ne le regrette pas...