samedi 22 novembre 2008

Le Génie de la Couleur au Musée d'Art Moderne


La Plage à Sainte Adresse, 1906, collection privée.

Raoul Dufy s'expose pour la première fois dans une grande rétrospective parisienne au Musée d'art moderne de la Ville de Paris, jusqu'au 11 janvier.

L'exposition n'est peut être pas parfaite, et elle est un peu longue, mais elle a le grand mérite de rendre justice à son artiste. Elle montre très bien la diversité du talent de Dufy, peintre, aquarelliste, céramiste, dessinateur pour textiles, décorateur, graveur... Les différentes facettes de son talent sont toutes illustrées avec richesse.
L'expo est logiquement chronologique, et on comprend bien le côté systématiquement avant-gardiste de l'artiste : il fut successivement impressionniste, fauve, cézannien, quasi cubiste... Mais à chaque courant il a su apporter sa touche, son originalité. Son impressionnisme est gras, épais, et très vivement coloré. Son fauvisme n'a pas les mêmes thèmes que Vlaminck ou Matisse : il peint des scènes populaires dans des paysages. Et ces scènes ont toujours un côté naïf qui lui est propre. Par contre sa phase cézannienne est la plus pauvre, car il réduit sa palette aux trois couleurs du maître mais ne sait pas tirer partie des possibilités de la touche si caractéristique de Cézanne. Le résultat est une série de mauvais Cézanne.
En 1907, il collabore avec Apollinaire et illustre le Cortège d'Orphée. Le primitivisme de ses figures, et leur naïveté font de l'ouvrage un ensemble puissamment évocateur.
Puis sa rencontre en 1909 avec Paul Poiret est fondamentale : ils créent la Petite usine à Paris, où ils produisent des tissus imprimés en série. C'est le début d'une carrière pour Dufy : il crée entre 1910 et 1930 plus de 3000 modèles en gouache pour les lyonnais Bianchini et Férier.
Exemple de tissu crée à Lyon d'après une gouache de Dufy.

L'aquarelle est aussi un domaine où Dufy excelle, et ses aquarelles du Maroc et de Venise sont magnifiques, à la fois sobres et fouillées, à la fois classiques et "couleur locale".
Dufy, tout comme Picasso, se fait aussi un temps céramiste, et le résultat est comme le reste de son oeuvre : coloré et vivant. L'exposition s'organise ensuite par thèmes : l'atelier, le portrait, les natures mortes, la musique, les cargos noirs...
Elle est très et trop riche pour que je puisse parler de tout, mais ce qui se dégage de l'ensemble de l'oeuvre du peintre est une liberté géniale. Une liberté du trait d'abord, qui ne correspond jamais aux aplats de couleurs, ce qui est devenu sa marque : ses arabesques s'envolent librement hors des champs prévus, et donnent une impression de légèreté infinie. Une liberté de la couleur aussi : je n'ai jamais vu d'aussi beaux verts chez aucun autre peintre... Dans La Baie de Sainte Adresse, de 1906, qui fait partie de la collection Alain Delon (le veinard), la mer est d'un vert profond, turquoise, à la fois réel et surréaliste. Dufy a des verts acidulés, des oranges francs, des roses doux... Il est un coloriste surdoué, qui sait donner à chaque chose qu'il représente vie et gaieté.
Il sait créer un univers fou, florissant, vibrant, comme celui du tableau La Grille, ou celui de la Fée électricité, immense fresque du musée d'art moderne. On y retrouve un peu de Chagall, de Matisse, mais l'intense poésie qu'il confère à chaque oeuvre est sienne, elle est sa marque, sa signature et sa plus belle réussite...

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