vendredi 19 septembre 2008

Debussy/Guimard


J'ai assisté hier soir au concert de rentrée de l'Orchestre National de France, sous la direction de son nouveau chef d'orchestre, Daniele Gatti.
Ont été donnés Le Prélude à l'après-midi d'un faune et la Mer de Debussy, et le Sacre du printemps de Stravinsky. Je ne parlerai dans ce post que de Debussy.

Le Prélude à l'aprés-midi d'un faune m'a donné le sentiment, comme à chaque écoute, d'une création proche de la perfection. Bien que Daniele Gatti l'ait fait jouer dans une interprétation manquant un peu de nervosité, un peu trop fluide et facile, Debussy est un maître de l'harmonie, et on le ressent à chaque ondulation musicale.
La Mer fut plus vivante, mais pas encore tout à fait assez vibrante selon moi, et avec quelques légers couacs au début d'un mouvement.
Durant les deux morceaux, moi qui vis en ce moment au milieu de l'Art Nouveau, et qui suis dans une phase intensément guimardienne, je n'ai pu m'empêcher de noter les parallèles nombreux entre les deux artistes.
La villa Berthe, que je fais visiter, date de 1896. Le Prélude date de 1892-1894, et la Mer de 1903-1905. Les dates de création sont donc très proches. Et les deux artistes sont du côté du changement, de la modernité.
Guimard cherche à cette époque là à élaborer son style, mais certains éléments caractéristiques de son art sont déjà bien présents à la Villa Berthe. Par exemple, il hait la symétrie. Il joue sans cesse sur les habitudes visuelles du visiteur, il casse toute tradition, tout rythme que l'on croit acquis, il crée un nouveau langage architectural et décoratif, il brise une perspective, un angle... Son but est quasiment de nous provoquer, de nous faire réagir, de nous déséquilibrer, et, toujours avec une certaine délicatesse malgré tout, il joue avec les traditions et les habitudes.
Debussy agit de manière identique : il casse les harmonies traditionnelles, les habitudes musicales, les règles du beau en musique. Il brise tout pour créer un style nouveau, tout comme Guimard, un style où tout est réinventé, du rythme à l'harmonie en passant par l'organisation conventionnelle d'un morceau symphonique d'une telle ampleur. Il intitule la Mer "Trois esquisses symphoniques"... Chaque ondulation de la musique, chaque enflement de la puissance symphonique de l'orchestre sont une surprise, comme un tournant inattendu et brillant.
Et comment ne pas comparer les lignes courbes de Guimard qui courent sur toutes ses façades, et varient selon tous les matériaux, aux fluides et sinueuses mélodies de Debussy, variées selon chaque instrument et chaque rythme qu'il leur imprime ?

Deux artistes modernes, deux oeuvres contestées... On parle de "bizarre" pour définir les oeuvres de Guimard de cette époque là, voire même de "dérangé". On qualifie la Mer d'oeuvre "incompréhensible et sans grandeur".

Deux artistes modernes, deux oeuvres contestées, deux chefs-d'oeuvre... selon mon humble avis.

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