lundi 13 janvier 2014

Juste un moment...


Je suis allée au Sénégal pour le Nouvel an.
Chance inouïe et voyage inoubliable.
Il m'est arrivé plein d'aventures durant ce voyage. Et cette photo a été prise au coucher du soleil, dans la savane, alors que j'avais perdu mon guide, et que je marchais depuis deux heures avec quelques compagnons, dans un pays où toutes les pistes se ressemblent... Hum.

Le moment a été beau.
Une tempête de sable venue de la Mauritanie voisine avait voilé le ciel toute la journée, et une minute après la photo, le soleil a disparu derrière une bande floue et orange...

J'ai fini par retrouver le guide à la nuit tombée.
Ahhhh les ballades à la frontale perdue dans un pays inconnu ! A refaire en urgence !

Poliakoff ou mon rêve de couleurs

C'est la fin de la saison, alors comme tout le monde, je me presse aux expositions que je n'ai pas encore eu le temps de voir !

Je savais que j'aimais Poliakoff, il m'était arrivé d'en croiser quelques uns dans des musées de province et d'être subjuguée. Mais j'ai maintenant un avis plus approfondi sur la question, après avoir vu l'expo du Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris : Poliakoff est l'égal de Rothko, qui est pourtant au sommet de mon panthéon...

Je ne serai pas longue sur l'expo et son contenu, ce n'est pas le but de ce court article : il s'agit ici de parler de formes et de couleurs. 
Le titre de l'expo implique que la forme prime sur la couleur chez l'artiste. Ce n'est pas ce que j'ai ressenti. J'ai eu cette sensation que les formes doucement géométriques de Poliakoff étaient une simple structuration de la couleur. Et la couleur, chez lui, est la base. Elle est magique. 
Quand on se plonge dans une oeuvre, on peut voir la couleur vibrer, bouger. La matière fait vivre la couleur. Les formes sont selon moi annexes. Ce que j'ai ressenti ne peut pas se voir sur une reproduction : il faut aller sur place. 
Ces couleurs sont exquises : des roses doux, des verts profonds, des rouges avides, des bleus de nuit...

Serge Poliakoff, Composition rose, vers 1954-56, huile sur toile, Fondation Gandur pour l'art. 

Toujours dans les toiles on trouve un noyau, comme un centre vital contenant la force du tableau, et qui diffuse son énergie au reste de la toile. Je suis restée longtemps devant certaines œuvres. 
Tout tourne et valse ici, il faut simplement se laisser porter...

Revenir avec un coup de cœur

Près de deux ans sans nouvelles...

Ecrire m'a manqué et je vais essayer de m'y remettre relativement régulièrement !
A vrai dire, quelques expos vues récemment ont recrée l'envie, alors je me re-lance...

Pour commencer, un cadeau :
 

Valéria, William Clarke Wontner, vers 1916, Collection Simon Perez, vue à Jacquemart André. 

Cette exposition présente la vision de la femme par les artistes anglais dans la seconde moitié du XIXe siècle. Les préraphaélites, et nombre de leurs descendants, y sont présents. Hunt brille par son absence, mais Millais et Rossetti, mais aussi Burne Jones et d'autres sont bien présents. 
Le peu de liberté des femmes à cette époque est compensé par l'immense liberté que les peintres leur attribuent dans leurs œuvres : elles sont le centre des compositions, elles sont légèrement vêtues (quel contraste avec les corsets qui leur étaient infligés), elles sont sensuelles...

Je suis tombée en arrêt devant ce portrait de femme, un des modèles récurrents de Wontner, qui est d'une absolue beauté. Les carnations sont parfaites (l'oeuvre est plus clair que sur la photographie), mais c'est surtout le regard qui fascine : une infinie douceur, de la mélancolie. On peut aussi choisir d'y lire une envie d'ailleurs, ou un regret d'un amour perdu...

Je partage donc avec vous cette oeuvre, mon dernier coup de cœur ! La suite au prochain épisode ! 

dimanche 3 avril 2011

Coup de coeur

Toujours au musée des Art décoratifs de Lyon : coup de coeur pour la salle Charles X !
Le mobilier des années 1830 est magnifique, un ensemble délicat et élégant, et le bois, une loupe claire, est magnifique.

Et surtout surtout, pour la fan de papiers peints anciens que je suis : un papier peint panoramique représentant des vues de Lyon, réalisé par Félix Sauvinet en 1823.
On se croit vraiment au centre d'un panorama, on reconnait la ville, et les couleurs sont particulièrement bien préservées.
Je ferai peut-être un jour un article enthousiaste sur le musée du papier peint de Rixheim et ses sublimes panoramiques exotiques, mais en tout cas, si vous passez par Lyon, ça vaut le détour !

Le charme discret d'un musée à l'ancienne.

Cette semaine, deux très agréables journées à Lyon (malgré le temps très humide hum).

Visite du musée des Arts Décoratifs et du musée des Textiles, situés dans deux hôtels particuliers mitoyens du centre de Lyon.

J'avais déjà visité le Musée des Arts Décoratifs.
Mais j'avais été déçue par le musée en lui-même. Pas par ses collections, qui sont tout à fait belles, et particulièrement riches dans certains domaines (entre autres, majoliques d'Urbino, orfèvrerie contemporaine et mobilier XVIIIe, superbes). Mais la muséographie m'avait parue faible, voire absente...
Les meubles sont installés dans des pièces de façon à reconstituer des ensembles, mais il n'y a pas vraiment de cohérence ni chronologique, ni thématique, ni de lien de provenance...
C'est désuet.

Et après ma seconde visite, j'ai changé d'avis : j'ai trouvé tout ça délicieusement désuet.

Pas de cohérence, mais un bel hôtel particulier, dont les pièces ont de belles proportions qui mettent bien en valeur les meubles.
Les pendules de chaque pièce sont remontées, et on entend leur tic-tac.
Ça sent bon la cire d'abeille quand on entre.
Il n'y a rien à lire à part quelques cartels, donc la visite est une simple balade au fil des pièces, un voyage dans le temps qui nous emmène au XVIIIe et XIXe siècles, nous fait fantasmer sur ce que pouvait être la vie aristocratique de l'époque.

Parfois, un rayon de soleil pointe sur un parquet.
Il n'y a pas de bruits de voitures, seuls les tic-tac des pendules.
Et quand le soleil n'est pas au rendez-vous, la pluie frappe les vitres et on a presque envie d'allumer un feu et de s'installer confortablement dans un fauteuil Louis XV.
On se sent chez soi finalement.

Bref, les musées "à l'ancienne" ont des vertus, et le manque de fréquentation de celui-ci, qui est ma foi bien dommage, le rend encore plus agréable...
A savourer un dimanche après-midi pluvieux !

dimanche 13 mars 2011

Une histoire de matière au Louvre.

Petit tour au Louvre cette semaine, et j'ai découvert les œuvres de Tony Cragg parsemées dans la Cour Marly, au beau milieu des chefs-d'œuvre de la sculpture française.

Et j'ai aimé.
Les formes sont comme des ombres vibrantes de formes en mouvement. Et surtout surtout, les matières sont belles.
Sur certaines, il utilise du bois, sur d'autres du bronze rouge ou noir.
Dès qu'on est devant, on a une envie irrésistible de toucher, de caresser, de parcourir ces courbes complexes mais douces.
Bien sûr, on ne peut pas. Les surveillants de ces salles doivent s'arracher les cheveux...

Bien sûr, on pourrait dire que les formes sont... étranges. Voire suggestives quand elles sont en bronze noir. La majestueuse œuvre qui est sous la pyramide, bien qu'elle s'accorde très bien à son environnement de verre, ressemble à une pile d'assiettes cassées.

Mais c'est un bel amas, une compression de matière, et l'intensité de certaines œuvres et la légèreté des autres en font des œuvres que je trouve belles et bien à leur place dans le Saint des Saints, le Louvre.
Toute la question est de savoir si dans 200 ans, elles y auront encore leur place...
Des opinions sur la question ?

vendredi 25 février 2011

Pour le plaisir...

Anish Kapoor, Untitled, 1990, gouache et terre sur papier, Tate

Intensité, puissance de cet d'œil iridescent sur nous. Magnifiques matières et profondeur des couleurs. J'ai adoré.

De la versatilité de l'aquarelle : Watercolour at the Tate Britain.

A peine le pied posé à Londres, je vais voir la nouvelle expo de la Tate Britain sur l'aquarelle.

Une des premières à entrer, j'ai bien pu profiter de cette belle et très sérieuse expo.
C'est une exposition thématique, et qui retrace les différentes utilisations de cette technique de ses débuts à nos jours.

On utilise l'aquarelle pour dessiner des cartes, des vues topographiques. Mais aussi pour des représentations scientifiques de plantes, domaine dans lequel Parkinson excelle.

Sydney Parkinson

Je ne suis pas particulièrement attirée par ce genre d'aquarelles incroyablement précises, mais je dois dire que certaines sont magnifiques. On a presque l'impression qu'on sentira la texture de la plante si on touche la feuille... Si ça n'est pas de la maîtrise !
D'autres sections très intéressantes montrent l'utilisation de l'aquarelle pour représenter la guerre, mais aussi pour être un support de la mise en image des rêves et fantasmes de artistes.

Les deux autres éléments que je retiendrai de cette exposition, ce sont d'abord les paysages de Turner, (je vous livre l'entièreté de celui qui fait l'affiche), mais aussi de Boyce, Lewis quand il représente les rues du Caire, Hunt et Millais.

George Pryce Boyce, Streatley Mill, 1859

"Wateriness and transparency", pas besoin de traduire, on comprend bien ici les deux principales qualités de l'aquarelle, dont ces artistes ont su user avec une délicatesse et une sensibilité qui m'ont touchée. (Tout cela est mieux visible en vrai, quand les photos n'aplatissent pas les motifs).

J.M.W Turner, The Blue Rigi, Sunrise, 1842, Tate Britain

La wateriness des aquarelles de Turner est quasiment transcendante, on a l'impression d'avoir la brume dans les yeux, et non sur la feuille... Parfaite transparence.

Le second intérêt de cette expo : les œuvres contemporaines. Anish Kapoor, Lucia Nogueira, Howard Hodgkin, Callum Innes, tous ces artistes ont su eux aussi faire passer des sensations, des vibrations grâce à quelques touches d'aquarelle...
J'ai d'ailleurs vu en Callum Innes un "Rothlo à la Turner".

Howard hodgkin, A Storm, 1977, Tate.

Seule la Tate, ou plus largement les musées anglais, savent si bien relier l'ancien au nouveau, le vieux au contemporain, ou plutôt, seuls les musées français ne savent pas le faire...
Il est important de trouver des thèmes d'exposition qui transcendent les époques et les modes, et c'est un pari réussi par la Tate : la puissance d'évocation et le plaisir provoqué par les aquarelles sont les mêmes au XVIIe et au XXIe siècle !
J'ai été aussi émerveillée par Turner que par Kapoor...
A voir !

Leighton House : à voir !

Frederic Leighton est un de ces bons peintres, très connus de leur temps et personnalités du monde de l'art, mais dont la célébrité n'a jamais vraiment dépassé les frontières de leur pays, dans son cas, la Manche.

Il est de la génération des préraphaélites, et a fini président de la Royal Academy of Arts. Une sacrée pointure, donc.
Il voyagea, reçut d'innombrables commandes, fréquenta la crème de la crème de tous les types de sociétés, et se fait construire une maison vers Holland Park.

Si vous êtes de passage à Londres, à ne pas rater !!

C'est une maison de taille raisonnable, toute de brique construite, cela ne vous étonnera pas, avec un grand jardin derrière, et il l'utilisa pour exposer tout ce qu'il ramenait de ses voyages, et principalement de ses voyages en Orient.
Le Hall de Narcisse, qui porte le nom de la statue qui trône en son milieu, a ses murs recouverts de carreaux de céramiques d'un turquoise profond faits par un ami, et son plafond doré pour évoquer le fait que Narcisse est mort en regarder son reflet.
L'impression est saisissante !


Le hall arabe n'est que plus incroyable !

La plupart des carreaux et mosaïques viennent de Damas, et les moucharabiehs du Caire. Une fontaine coule au milieu, et si on oublie ce qu'il y a autour, on se croit vraiment dans une salle fraîche d'un palais de Damas, où le doux son de l'eau repose et rend sensible à la douceur de vivre...

Dans le salon, on trouve des copies des paysages de Corot qui s'y trouvaient, dans le bureau, des dessins des plus grands peintres italiens de la Renaissance, dans l'escalier, des céramiques d'Iznik, de même que dans la magnifique salle à manger toute rouge. Quant au studio, il doit être le rêve de tout artiste... immense, lumineux, paisible...

L'escalier, photo ancienne

Dans le salon de soie, on trouve du Delacroix et du Millais, et plusieurs toiles de Leighton, qui peignait avec une belle intensité.

Le plaisir de marcher dans des lieux qui à une époque furent bouillonnants d'idées, de création, d'inspiration, qui ont vus des artistes incroyables comme Rossetti, Hunt et Millais, et beaucoup d'autres, tout ce la est un vrai bonheur. Sont encore présentes les vibrations, le beau.
Les maisons d'artistes sont souvent des lieux où l'on peut presque toucher du doigt la création, et pour les amateurs, c'est inestimable !

http://www.rbkc.gov.uk/subsites/museums/leightonhousemuseum.aspx

mardi 22 février 2011

Soooo British !

J'ai eu le plaisir toujours renouvelé de passer 4 jours dans la capitale anglaise.

Dieu que j'aime cette ville !!
Je vis dangereusement quand j'y suis, parce que je ne peux pas m'empêcher d'avoir en permanence le nez en l'air, fascinée que je suis pas l'architecture. La brique et la pierre se mêlent pour former des ensembles complètement étranges ou magnifiques, inattendus, et souvent indescriptibles pour les non-spécialistes de l'architecture victorienne.
Je vais sans doute écrire quelques articles sur mes dernières découvertes, mais avant ça, un résumé...

Se balader le nez en l'air, manger ds cupcakes, être amusée par le bazar complet qui règne à Camden, découvrir des endroits magnifiques, comme Burlington Arcade (en photo au dessus), fouiller dans les boutiques improbables ou bobos de Carnaby Street, boire du thé à toute heure de la journée, manger de la cuisine de tous les pays du monde sauf l'Angleterre, visiter des palais ou des maisons d'artistes et en tirer un incroyable plaisir, s'installer dans un pub à 5h de l'après-midi, y boire de la bière à la pinte et y jouer au scrabble en anglais, voir ses amis les plus proches...
En quelques lignes, voilà la recette très précise d'un we réussi et probablement inoubliable.

A votre tour !

dimanche 13 février 2011

Brêve : la perfection des premières photos !

Daguerréotype, calotype, ambrotype, papier albuminé, collodion, négatif, positif, gomme bichromatée... Tous ces termes sont utilisés pour les débuts de la photographie, au XIXe siècle.
Longtemps, ils m'ont rendue peu réceptive à cet art, dont la technique est si compliquée à comprendre pour moi...

Mais récemment j'ai vu l'exposition de la Bnf, sur Les Primitifs de la photographie, le calotype en France, 1843-1860.
Et j'ai été frappée par la beauté incroyable de certains des ces calotypes.

Rappel historique et technique : dans les années 1830 est inventé en France un procédé de reproduction du réel sur plaque de cuivre. On doit cette invention à Louis Daguerre et Nicéphore Nièpce. C'est appelé le daguerréotype.
Mais en 1841, l'anglais William Fox Talbot invente un procédé sur papier, en positif et négatif, qui permet la reproduction d'une même image plusieurs fois. Le système connait un grand succès et fait vite des émules en France. C'est sur cette technique que portait l'exposition.

La précision, le cadrage, le travail sur les ombres et la lumière, les flous, le velouté, le grain et les couleurs variables qui vont du noir au blanc en passant par un marron profond, tout cela donne à ces œuvres qui ont 160 ans une beauté indicible.

Charles Nègre, Ramoneurs en marche, vers 1851, épreuve sur papier salé

Gustave Le Gray, Arbre et roches, 1849-50, épreuve sur papier salé.

Les exemples que je mets là ne permettent pas de se rendre compte de la beauté dont je parle. Il réside dans les images que j'ai vues une beauté mystérieuse, un doute sur leur nature qui les rend fascinantes.

La photo connait en ce moment un succès très important, qu'elle soit ancienne ou moderne. Mais en regardant des calotypes, des photographies des années 1860 par Le Gray ou encore des photos des pictorialistes au début du XXe siècle, je ne peux m'empêcher de penser qu'ils maîtrisaient déjà magnifiquement ce 8e art, et que rien depuis ne les a surpassé...

mardi 1 février 2011

Etre enthousiasmée par une muséographie !

Vendredi dernier, je suis allée à Versailles.


Après avoir eu la chance de voir la Galerie des batailles, le chef d'œuvre né de la volonté de Louis Philippe de rassembler les français autour de leur histoire commune, je suis allée faire un tour à l'expo Les sciences à la cour de Versailles.

Le thème de l'expo n'est pas en soi susceptible d'exciter particulièrement ma curiosité de littéraire ignorante des tables de multiplication.
Mais je dois dire que j'ai été très très impressionnée par cette expo, et principalement sa muséographie. C'était tout simplement génial !

On entre d'abord par une grande salle ovale où une image de tout Versailles est projetée sur les murs, et montre les différents endroits concernés par les sciences dans le château. Interactif et intelligent, car cela permet de situer géographiquement les choses.

Ensuite, les salles sont divisées en 6 sections : Sciences et pouvoir, application des sciences, expérimentation, enseignement, pratiques princières et enfin démonstrations.
Les œuvres présentées sont très diverses : paysages, portraits de personnalités, objets scientifiques, plans, écrits, objets d'art, reconstitutions... Cela grée un ensemble non monotone et didactique.
Les salles sont toutes différentes et magnifiques. L'une reconstitue une serre, l'autre une bibliothèque. Le mobilier est adéquat, la circulation relativement aisée, les couleurs variées et agréables, les cartels aux bons endroits...

Rendre agréable et vivant, didactique et enrichissant un thème qui pourrait vite devenir scolaire est un beau défi, relevé avec brio ici. Quant à mon désespoir sur la muséographie en France, il a été fortement atténué par cette très belle réussite !
By the way, l'exposition a été prolongée jusqu'au 3 avril, si vous savez lire entre les lignes...


http://sciences.chateauversailles.fr/index.php?lang=fr

Quand Disney corrompt les contes.


VS

Il y a quelques jours, j'ai eu la chance de voir et d'entendre La Petite sirène à la Salle Pleyel : Irène Jacob lisait le conte d'Andersen, et l'orchestre philharmonique de radio France jouait l'œuvre de Zemlinsky, datée de 1902 et inspirée du conte.

J'avais déjà lu le conte d'Andersen, mais j'avais oublié l'histoire. Et en sortant, j'étais révoltée contre l'horrible version faite par Disney.
Walt Disney, ou comment transformer un conte à valeur morale en un ridicule conte de fées.

Chez Andersen, la petit sirène souffre horriblement une fois qu'elle est transformée en femme par la sorcière. Non seulement elle ressent chaque pas comme une piqure d'aiguille ou une coupure profonde dans sa chaire, mais en plus, la sorcière lui a ... coupé la langue. Non, elle ne lui a pas seulement pris sa voix comme par magie, elle lui a coupé la langue.
Voilà ce qu'il en coûte de vouloir être autre chose que ce que l'on est.
Et dans la version de Disney, tout est bien qui finit bien : la petite sirène renie sa nature profonde, sa famille et son monde pour le prince. Chez Andersen, c'est bien plus compliqué que ça, et tout n'est pas bien qui finit bien, car la petite sirène meurt par amour...
En effet, ses sœurs ont fait un deal avec la sorcière : elle pourra redevenir une sirène si elle tue le prince d'un coup de couteau dans le cœur.
Ici se situe la limite entre le conteur et la firme américaine de dessins animés : le simplisme.
Tout n'est pas noir et blanc, tout a un prix, et le conte est par nature une belle façon, imaginative et sensible, d'apprendre cela sur la vie.
Mais Disney, Walt de son prénom, a corrompu la nature des contes, l'a vendue un happy end.
Mais quelle est la morale ?
A croire qu'une morale à la fois profonde et accessible était trop complexe pour le public américain de la fin des années 1980.
Mais la leçon de l'histoire doit exister. Oui, la violence, la souffrance, l'amour non retourné, la cruauté, la mort, tout cela existe. Et pas que cela : l'amour, l'envie, la découverte, l'aventure, l'amitié. Tout cela est présent dans les contes. Et ce que l'on ressent en les lisant, c'est la peur, l'envie, la pitié, l'amour. En lisant un conte, c'est à dire une histoire tout sauf réelle, on apprend ce qu'est le réel, la vie. Fonction et force paradoxale du conte !

Chez Disney, la morale disparait au profit d'un conte de fées qui a déformé la vision du monde de millions de petites filles (et sans doute aussi de petits garçons) : on finit toujours par trouver son prince, et tout finit bien pour tout le monde. C'est là une dénaturation complète du conte, et les contes de fées sont on ne peut plus éloignés de la vraie vie.

Je prône donc un retour vers les vrais contes, ceux qui racontent des histoires où de véritables sentiments sont déroulés pour nous.
En sortant du concert, qui était réservé aux enfants, j'ai remarqué qu'ils étaient perplexes, qu'ils pleuraient pour la mort de l'héroïne, et qu'ils posaient des questions. Bien sûr, il n'est pas question de vouloir qu'ils pleurent, mais admettons qu'ils aient un jour à faire face à la mort... Au moins ils sauront qu'elle existe, et que tout le monde ne vit pas "heureux et avec beaucoup d'enfants".
Un peu de Vrai que diable !

vendredi 5 novembre 2010

Rire et humour à la fiac 2010

Comme la tradition l'exige, j'ai passé une après-midi à la fiac, sur le site du grand palais.
C'est toujours un plaisir pour plusieurs raisons : d'abord le lieu est magnifique, et sous un beau soleil d'octobre, il est magique.
Et puis la population est fascinante, la faune des galeristes, des riches acheteurs, des snobs, des passionnés, des stars (Fanny Ardant et Christopher Thompson, rien que ça), des jeunes étudiants en art, et des béotiens, comme moi...
Et on y trouve toujours des œuvres, parfois même beaucoup, qui nous font vibrer, qui nous font sourire de plaisir, comme cet Hantai et ce Sam Francis, vus dans une galerie d'art moderne, ou encore ces deux Albert Oehlen, artiste dont j'avais parlé il y a quelques mois.

Et puis, en dehors des choses qui nous plaisent, il y a le reste. Il y a ce qu'on ne comprend pas, ce qui nous révolte (pour son rapport entre prix et qualité et intelligence), et, heureusement, ce qui nous fait rire.

Comme cet artiste qui, sur des troncs d'arbre, a placé toute une bande de petits bonshommes en verre, joyeusement obscènes et ridicules, affublés de tas de choses déplacées et drolatiques.

Et puis il y a Enrico Castellani et ses très recherchées illusions d'optique. Celles sur toile sont certes répétitives, mais d'autres sont impressionnantes... celle-ci se trouvait "dans" le mur.

Et enfin, il y a cet artiste qui a crée un mur de 6 mètres sur 3 recouvert de masques mêlant les influences diverses de spiderman, des masque africains traditionnels, et des masque de catcheurs...

Bien sûr, il y avait beaucoup plus que ça, mais l'humour, le jeu sur les frontières entre les genres, le ridicule et parfois une certaine beauté de ces œuvres m'ont frappée...
Enjoy !

mardi 26 octobre 2010

The social network, ou l'implacable monde des geeks.


J'ai l'autre jour The social network, le film de David Fincher sur le phénomène et l'histoire de facebook.
Quelques impressions :

1. Les geeks, ça fait peur.
Facebook, c'est l'histoire d'un type, un étudiant, lâché par sa blonde, qui d'un coup se dit qu'il va monter un site où on peut comparer des filles pour leur physique. C'est moche. Puis il monte facebook, à l'époque "The facebook", et le phénomène s'amplifie de minute en minute. Ses copains sont des geeks comme lui, des types qui dorment le jour, et trainent sur internet la nuit, créent des programmes et crachent plusieurs codes à la seconde en se basant sur des formules mathématiques... On ne comprend rien à leur langage, ils sont plus ou moins associables, alcooliques, et toujours brillants. Et le créateur semble être bien plus un sale type dans la vraie vie que dans le film. Se dire que la base de toute sociabilité chez les 15-40 ans se base sur l'idée d'une bande d'associables est d'une douce ironie. Bon.

2. Le monde d'internet est angoissant.
En quelques mois seulement, Facebook devient un phénomène national aux États-Unis, puis rapidement dans le monde, et il ne se limite plus aux grandes universités, il s'ouvre à tout le monde. Que celui d'entre nous qui n'a pas de profil facebook se dénonce pour qu'on lui jette la pierre !
Facebook devient rapidement le centre d'enjeux énormes, de plusieurs millions de dollars. En quelques mois, une simple idée devient une source de bénéfices phénoménale. Il n'y a que le XXIe siècle qui ait permis ce genre d'excès dans la réussite. Mais il n'y aussi que ce siècle là qui puisse, par un détour du destin, faire tout perdre à des milliers de personnes en quelques heures. Les proportions de tout enjeu sur internet sont devenues absurdes tellement elles sont excessives. Et comment comprendre un monde qui vit principalement sur du virtuel ? Comment ne pas avoir peur que ce virtuel sans substance aucune régisse nos vies ?
Et surtout : jusqu'où aller ? Hum.

3. To facebook or not to Facebook ?
That is the question.
Ce film, bien qu'intéressant, m'a donné envie de quitter facebook. De ne plus me plier à cette mode et à ce besoin qu'on nous a créé et dont on nous a fait devenir dépendant. Mais cette addiction, le plaisir de pouvoir communiquer si facilement avec des amis qui vivent très loin, de partager certaines choses, un certain voyeurisme aussi, tout cela rend la décision difficile...
Alors pour conclure :
Facebook est produit addictif, à consommer avec modération.

dimanche 17 octobre 2010

Fauré ou les sentiments. Eric Le Sage ou la délicatesse.


We musique de chambre à Pleyel, beaucoup de Fauré, du Debussy, et pour aujourd'hui, du Ravel.

Mais surtout, hier, un trio pour clarinette, violoncelle et piano en ré mineur opus 120 de Fauré, adapté de la version pour piano violon et violoncelle. Éric Le Sage au piano, l'excellent Paul Meyer à la clarinette et François Salque au violoncelle.


Les deux premiers mouvements de ce trio m'ont semblé d'une grande beauté, et mais d'une beauté assez difficile à saisir. C'est une musique dont on peut rester à la surface, et qu'on peut "rater", mais une fois qu'on pénètre sous cette surface, on ressent la plénitude de chaque note. C'est à la fois solaire, discret, mélancolique...
Le troisième mouvement est plus complexe, plus haché et mouvementé, mais reste dans la ligne d'intensité des deux précédents.

L'interprétation de ce trio était parfaite, dans le sens où les trois musiciens semblaient avoir saisi la profondeur de l'œuvre, son intériorité, et sa mélancolie profonde. Fluidité des sons, finesse du jeu de Le Sage, qui est un pianiste délicat et intelligent (en comparaison de Boris Beresovsky, que j'aime beaucoup et qui pourtant m'a déçue dans Rachmaninov en prenant son piano pour un tamtam).

Déjà l'an dernier, à l'édition précédente de ce we, j'avais découvert et aimé la musique de chambre de Brahms, et je remercie Éric Le Sage d'organiser ce type d'évènement, dont la qualité ne s'est encore jamais démentie, et qui procure un plaisir fort et nécessaire, et même, je dois l'avouer, quelques larmes...

http://www.deezer.com/fr/music/result/all/picard#music/philippe-muller-jean-jacques-kantorow-jacques-rouvier/debussy-ravel-faure-piano-trios-570365
Les piste 09 à 11 sont le trio en question, mais version violon. A savourer...

mercredi 13 octobre 2010

Où il est question du patrimoine en Chine


La chance, et un oncle et une tante chouettes m'ont fait voyager dans la contrée lointaine qu'est le pays du Soleil Levant, pour la première fois. Suite d'émerveillements et de découvertes.

Durant les deux dernières années, beaucoup de questions se sont posées à moi en rapport avec le patrimoine, la culture, la sacralisation de l'art. Pourquoi garder l'ancien ? Pourquoi conserver ça et non autre chose ? Jusqu'où doit-on conserver ? A quel prix ? A tout prix ?

En Chine, il m'a bien semblé que les choses étaient assez différentes. Bien sûr, il y a des musées, et là on sent bien l'importance de la conservation de chefs-d'œuvre du passé glorieux de l'Empire.
Mais pour les lieux de culte, il en va tout à fait autrement.

Quelle que soit l'ancienneté d'un temple, qu'il se situe sur un ancien site impérial ou sur une montagne sacrée, en plein centre d'Hong-Kong ou à la campagne, la fonction usuelle prime sur la conservation de ce qui est vieux. Le vieux n'a pas de valeur en soi : ce qui compte, c'est qu'il soit beau aujourd'hui, que les couleurs et les représentations qui recouvrent chaque centimètre soient vives et plaisent à l'œil du fidèle, lui parlent. On repeint donc par dessus les peintures anciennes, ce qui en France mériterait bien plusieurs pétitions et même une lettre à Mr Mitterand...

Comment expliquer une telle différence ?
On pourrait, d'une façon tout à fait ethnocentrique, se dire que la Chine n'en est pas à notre niveau dans l'avancée de sa réflexion sur le patrimoine, et que dans quelques années ou décennies, elle regrettera son manque d'attention à l'ancien sacrosaint en Europe.

Mais la raison peut se trouver tout à fait ailleurs.
Un lieu peut n'être considéré comme vivant, comme "valable", que s'il a toujours une place dans la vie des gens, un sens dans leurs croyances et une utilité quotidienne. La valeur usuelle dépasse donc la valeur artistique ou patrimoniale.
N'est-ce plus le cas en Europe car la place de la religion est en régression constante ?
La question se pose. Mais la volonté de conservation des lieux saints "dans leur jus" est très présente en France, en Allemagne et en Angleterre notamment depuis au moins le début du XIXe siècle, voire avant.

Peut-on en déduire quelque chose quant à la place de l'art dans la société chinoise et les sociétés européennes ? Rien n'est moins sûr.
Accepter l'évolution du patrimoine dans le présent est quelque chose que l'Europe ne sait plus très bien faire, à force de vouloir tout protéger. Mais un patrimoine, quelle que soit sa nature, ne peut pas rester figé, il doit vivre, être dans son temps.
Peut-être est-ce cette volonté que l'on voit dans l'exposition de Murakami dans les salons d'or et de pourpre de Versailles, ou dans les colonnes de Buren au Palais-Royal.

Les différences culturelles entre la Chine et la France sont si profondes qu'il n'est pas question ici de dire qui a raison ou tort, ou qui devrait apprendre de l'autre.

Mais il n'en reste pas moins que le patrimoine d'une époque, s'il est préservé, est aussi le patrimoine d'autres époques, et qu'en tant que tel, il doit s'y adapter... Question à approfondir !

Quand Soulages trouve son cadre

Le petit voyage dans le sud se poursuit par les salles Soulages du musée Fabre, récemment entièrement refait.

En plus de salles "traditionnelles" où sont exposées des toiles des débuts, une immense salle a été conçue exclusivement pour recevoir l'œuvre si particulière de Soulages.

Murs blancs immaculés, lumière naturelle filtrée par un mur de verre dépoli qui donne un aspect presque irréel à la pièce, et puis les toiles de Soulages.
Il y a notamment ces monochromes jouant sur la matière.
Impression minérale de puissance, explosion du noir de Soulages, profondeur de la contemplation dans laquelle les toiles nous mènent.
Adéquation complète entre contenu et contenant. Magnifique travail de scénographie.

On aurait pu croire que la "froideur" de la pièce renforcerait l'uniformité des œuvres de Soulages. Mais la lumière douce joue avec la matière de chacune, et leur présentation les met en valeur et même les sacralise.
Soulages est magnifié.

A noter : le musée Soulages a Rodez, sa ville natale, est prévu pour 2010 !

lundi 11 octobre 2010

De la délectation

Pierre Alechinsky, La mer noire, 1988-90, musée Granet.

Pour le plaisir, deux images de la superbe expo sur Alechinsky au musée Granet d'Aix-en-Provence.
Quoi de plus poétique, de plus drôle, de plus profond qu'une belle œuvre d'Alechinsky ?
L'exposition fut un véritable bonheur !

Pierre Alechinsky, Sous le feu, 1967, Centre Pompidou.

Cabanel, la perfection de la chair

Alexandre Cabanel, la Naissance de Vénus, salon de 1863, musée d'Orsay

We dans le sud, et bien sûr, en bonne "dixneuvièmiste" que je suis, je cours au musée Fabre de Montpellier voir l'expo sur Cabanel, peintre académique de la seconde moitié du XIXe siècle.

D'abord, un mot sur le musée Fabre : c'est une belle réussite. Les salles modernes et leur béton brut (un peu froid ?) s'allient bien avec les salles anciennes et avec la façade de pierre rosée de la région. Un bel espace et une belle rénovation.

En 1863, au salon, Alexandre Cabanel présente sa Vénus, clou de l'exposition, qui suscite pour certains l'admiration, pour d'autre le dégoût et la critique. Zola en parle quelques années plus tard comme d'une "sorte de pâte d'amande rose et blanche", tandis que Théophile Gautier, inspiré, écrit dans un journal : "son corps divin semble pétri avec l'écume neigeuse des vagues".
Quant à Napoléon III, il la trouve tellement belle, cette Vénus sensuelle, voire sexuelle, qu'il l'achète presque instantanément.

Mais il faut savoir qu'au même moment que le salon, cette exposition officielle de l'art académique, se déroulait le "Salon des Refusés", après les protestations des artistes plus modernes qui n'avaient pas été acceptés au salon. Napoléon III, dans un geste de bonté ironique, ouvre alors un salon parallèle, qui a à la fois pour but de montrer son ouverture d'esprit, et de laisser les peintres nouveaux se ridiculiser tous seuls, comme des grands...
C'est alors que le jeune Manet, peintre aux dents longues qui souhaitait se faire entendre, présente le Déjeuner sur l'herbe, œuvre qui choqua les partisans de Cabanel, et qui enchanta ses opposants.
Le XIXe siècle, où la contradiction permanente.

Cabanel est l'image parfaite de l'artiste académique : il fait ses études aux Beaux-Arts, remporte le Prix de Rome, part étudier à la Villa Médicis, et devient vite la coqueluche du tout-Paris.

Albaydé, d'après les Orientales de Victor Hugo, 1848, musée Fabre.

Talent à plusieurs facettes, il est décorateur, portraitiste, et bien sûr, peintre d'histoire.
Ses portraits de femmes montrent une perfection d'exécution assez époustouflante, et n'ont pas la froideur qu'on pourrait leur attribuer. Ses femmes ont toujours une étrangeté, une énigme dans le regard qui les rend différentes, uniques.
Ici, une jeune romaine a posé en Albaydé, et elle a comme toutes les autres, un mystère indicible, une aura de femme fatale qui inspira plus tard les symbolistes.

Cléopâtre teste des poisons sur des prisonniers à mort, 1887, Anvers.

Vers la fin de sa vie, il peint l'ultime femme fatale, cruelle, amoureuse, puissante, magnifique, la Cléopâtre de 1887. Toujours la perfection de la chair, du coup de pinceau, mais s'y ajoute comme une inquiétude sourde, une évocation de la douleur et la cruauté, que plus tard Böcklin et d'autres sentiront comme fondamentale.

L'exposition est complète, riche en textes, et constituée d'œuvres venues de loin, pour les plus grand bonheur de ceux qui n'auront pas l'occasion d'aller les voir aux États-Unis par exemple. Muséographie classique, mais franchement colorée, agréable et lisible, tout est fait pour mettre en valeur, et surtout remettre à l'honneur un peintre qui certes n'eut pas la puissance d'innovation des impressionnistes ou l'audace de Manet, mais qui fut à l'époque un roi parmi les rois.
Avec l'exposition sur Jérôme au musée d'Orsay, le monde des conservateurs tente de réhabiliter les artistes académiques. Leur valeur n'est pas à démontrer, mais pour moi, qui ai mis un De Stael en entête de mon blog, il manque à ces artistes une liberté, une passion qu'on peut trouver ailleurs...

La rentrée ?

11 février...
Voilà la date de mon dernier post. La vie, les études, une certaine obsession d'un certain concours, tout ça a fait que mon Eclectikart a été en repos durant pas mal de mois.
Ne pas croire pour autant que je n'ai pas eu de vie culturelle : elle a été à son top niveau cette dernière année, notamment grâce à des voyages à l'étranger, dont je parlerai à l'occasion.
Me voilà donc revenue, et c'est la rentrée culturelle du blog !
A bientôt j'espère !

jeudi 11 février 2010

Juste pour le plaisir...

A Lyon, à l'expo du musée des Beaux-Arts sur les Modernes, coup de foudre pour un Manessier.
La photo est mauvaise mais je ne résiste pas...

Alfred Manessier, Angelus Domini nuntiavit Mariae, 1946, musée des Beaux-Arts, Lyon

Qui est grand ?


Il y a quelques temps, double expérience à Pompidou.

D'abord, Soulages.
Et juste après, la collection permanente féminine du musée.

Questions de taille et de temps aujourd'hui.

Soulages, c'est quelque chose. Dès 1947, une émotion, une force, une présence. Quelque chose de puissant. Les premiers papiers au brou de noix : un signe, une marque.

Puis la présence prend son envol, sûre de sa voie.
Pas de mysticisme ou de religieux chez Soulages, mais il y a définitivement quelque chose de spirituel, et la matérialité de la peinture, du noir si beau, nous mène loin loin dans l'immatérialité. Comme dans une autre dimension de l'art.

Pierre Soulages, Peinture 18 juin 1971.

La phase suivante, de travail du noir complet et de sa matière, même si plus aride, a elle aussi une grande profondeur. Appel à la contemplation de soi dans le noir et ses remous. Et il le dit lui-même : " Je ne demande rien au spectateur, je lui propose une peinture : il en est le libre et nécessaire interprète".

Pierre Soulages, Peinture, 2009.

Supériorité du "grand".
Soulages va rester. Même malgré les modes, les cycles de goût, il va rester. Il a touché à quelque chose d'éternel.
Le temps a déjà fait son choix, et Soulages est toujours là, depuis les années 1940.

Mais qu'en sera-t-il des autres ?
Je parle ici des collections contemporaines autant féminines que masculines du centre Pompidou.
Qui restera ? Qui est un "grand" en herbe ?
Qui est le creuset de l'éternel du futur ?

En flânant dans les salles, je me heurte à un manque profond de "supériorité". Il n'est pas tant question ici de qualité, -elle est certaine chez pas mal d'artistes-, ni même de beauté -il paraît que ça ne compte plus aujourd'hui-...
Mais malgré les goûts de chacun, il m'a semblé que tout cela manquait profondément de vision.

En 1905, on hurle au scandale devant les couleurs violentes de Vlaminck, personne ne comprend, et il n'y a que quelques esprits visionnaires qui pressentent la modernité profonde de l'œuvre.
Sommes-nous pareils ? Aveuglés par ce qu'on sait, par ce qui s'est fait avant ?

Mais qui alors sera le Vollard ou le Durand-Ruel des années 2010 ?
Qui choisit ? Nous ? Les galeristes ? Les autres artistes ? Le temps ? La mode ?
La production et les supports sont devenus si immenses et nombreux, qu'il est difficile de voir ce qui est "avant-gardiste" et ce qui ne l'est pas.
Qu'est-ce qui est nouveau ? Et il ne faut pas me raconter que l'artiste qui a décidé de disposer des petits formes géométriques diverses en carton blanc par terre fait du révolutionnaire, ou même de l'original.

Tout cela me laisse j'avoue assez perplexe, malgré mes efforts pour m'intéresser à l'art contemporain.

Peut-être que ces notions d'originalité et d'avant-garde sont elles aussi obsolètes. Comme la beauté.
Et l'éphèmérité de nombreuses œuvres rend même la notion d'éternel complètement finie.
On ne sait plus vraiment ce qu'est l'art.

Ou alors peut-être que tous ces artistes ne sont qu'une étape qui fait avancer les choses vers la prochaine modernité révolutionnaire, encore à venir.
On serait alors sur le chemin, sur la voie de... la suite.

J'attends avec impatience les" grands" du XXIe siècle !

jeudi 4 février 2010

Paris je t'aime

Ce soir, en passant aux Tuileries, coup de foudre renouvelé...
Coucher de soleil orange et flamboyant sur Paris.
La Tour Eiffel se colore d'un doux rose.
Orsay disparait dans la lumière fulgurante du soleil couchant d'hiver.
Les fenêtres de la rue de Rivoli s'illuminent, elles scintillent en reflétant cet incendie. Le Louvre devient rouge.
De l'autre côté, le ciel est bleu, doucement irisé de quelques moutons blancs...
Arrêt sur image.
Émotion.

Je crois que tous les jours j'aime Paris. De plus en plus.
Sous la pluie, sous le vent, sous la neige, sous le soleil...
Chaque passage à Montmartre me le montre différent. Admiration inépuisable.

Il y a quelque chose. Comme une magie. Plutôt même un ensorcellement.

Paris n'en finit pas de se faire aimer.

Vais-je un jour être lassée de Paris ?
Je pense que non. Maintenant, Paris et moi, c'est pour la vie...

dimanche 27 décembre 2009

A VOIR ABSOLUMENT !


De la puissance...
De la puissance d'un texte, incarné par un grand acteur.

Beckett, "Premier Amour", 1945. Dit par Sami Frey au théâtre de l'Atelier à Montmartre.

C'est l'histoire d'un type. Un drôle de type, c'est le moins qu'on puisse dire. Qui se fait virer de chez ses parents à la mort de son père, et se met à traîner. Il traîne, il dort dehors, dans un monde indéfini, sans aucun nom de ville.

Puis une fille se pointe sur son banc. Ça le gêne, mais il finit par penser à elle. Il écrit même son nom, Lulu, sur des bouses de vache avec son doigt (sic). Puis après quelques rencontres, il s'installe chez elle, enfermé dans une pièce de son appartement, et elle lui apporte à manger. Et quand leur bébé, résultat d'une unique nuit d'amour, naît, il s'en va. Les cris le gênent... Et il repart traîner.
Sami Frey est le personnage. Il est cet homme qui traîne.
Il est enroulé dans un vieil imper, et il est le type. On sent en lui la nonchalance, mieux, le désintérêt complet de cet homme pour le monde. Sa voix, son corps, son visage, son inexpressivité, tout ça, c'est du Beckett incarné. Monde étrange.

Le texte est incroyable. Dur, tranchant, misogyne, misanthrope, visionnaire, politiquement incorrect. Et drôle. Vraiment drôle, mais sombrement drôle.
Au delà de sa constipation et de son goût pour les cimetières, qui sentent bon les corps en décomposition, (et il trouve quand même que c'est mieux comme odeur que celle des vivants, qui puent), c'est le décalage du type, qu'il soit si perdu, si impossible, qui fait rire.

Florilège : "Le tort qu'on a, c'est d'adresser la parole aux gens".
"Ce qu'on appelle l'amour, c'est l'exil".
Je vais le relire pour embrasser encore mieux la puissance de la chose.

Beckett par Sami Frey, c'est la quintessence. La quintessence de l'absurde et du cruel, du surréaliste et du vrai. Du vrai de l'homme, animal solitaire au fond.

Un moment fort. Allez-y vite !!